Bidonvilles de Nanterre (1957-1963)

En 1956, j'ai découvert le bidonville de la rue de la Garenne en passant souvent en vélo dans cette rue. Je voyais des baraques en tôle, en bois protégées par de la toile goudronnée, des roulottes usagées, des bâtiments en parpaings. Les enfants jouaient dans cet univers, ils s'appropriaient les terrains, couraient, inventaient des histoires, des jeux. Les adultes s'occupaient aux affaires quotidiennes, ils allaient chercher de l'eau à l'unique fontaine dans un grand bidon de lait de 50 litres posé sur une remorque, souvent ils aménageaient leur logement, réparaient le toit.

Mes premières photos : un homme lavait son linge près d'une roulotte. Je lui ai demandé si je pouvais le photographier, il a accepté. Un peu plus loin, une famille portugaise ; la mère de famille mettait un bonnet à son fils, le grand père les regardait. Ils avaient écrit en grand leur nom de famille sur une planche clouée sur la cabane ainsi que leur adresse : 186, rue de la Garenne.

Je venais de temps en temps, les habitants étaient accueillants, ils acceptaient que je fasse des photos pour informer sur leurs conditions de vie. J'ai apprécié leur participation, car c'était la guerre d'Algérie, ils pouvaient avoir des craintes à propos de mes photos. En fait, elles montraient les logements pauvres, délabrés, les chemins souvent boueux, c'était aussi des vues générales du bidonville. Mon intention était de montrer des images des Algériens habitant les bidonvilles. Le plus important pour moi, c'était les portraits, des hommes, des femmes, des enfants, chez eux, dans leur maison dans la rue, dans leurs activités, dans leur environnement.

Mes photographies témoignent des années que les Algériens de Nanterre ont vécues dans une situation difficile, dans des logements précaires, un environnement dégradé. Les relations humaines chaleureuses semblaient rendre la vie quotidienne plus supportable.

Cette année 2003, quarante-cinq ans plus tard, j'ai rencontré d'anciens habitants du bidonville, ils disent en garder un bon souvenir et racontent certains détails de ce passé en souriant.

Jean Pottier